Ce que mon engagement à changer m’a appris

Ce livre dont j’ai tant rêvé…

J’avais honte d’avoir tant parlé de mon livre et finalement, de ne pas réussir à le faire publier. L’idée du blogue, c’était d’abord et avant tout, l’envie d’écrire mon premier livre. Et comme je n’y arrivais pas seule, paralysée que j’étais par mes standards de perfection inatteignables, j’ai décidé de partager mes textes ici pour voir comment ils seraient reçus… dans l’espoir de prendre confiance en moi. C’était une stratégie comme une autre pour faire taire les jugements si sévères de ma saboteuse intérieure.

Ma peur du jugement, au fond, c’était ma honte de l’échec.

J’ai toujours ressenti en moi cette crainte, destructrice, d’être insuffisante, comme s’il fallait constamment que je prouve ma valeur. Le fait de ne pas trouver d’éditeur pour ce livre allait-il me catapulter dans le cachot de la honte?

 Ces refus me priveraient-ils de ma liberté d’écrire alors que j’avais choisi, deux ans plus tôt, de briser le carcan qui me tenait prisonnière depuis si longtemps… Et sans cette liberté, à quoi bon continuer?

Je me sentais ridicule… j’avais même pousser l’audace de dire en conférence que mon objectif était de faire paraître ce livre en septembre 2018. Pffff… Comme si cette décision reposait vraiment sur mon bon vouloir!

Au-delà de ma déception, de ma honte et de mon cynisme, il y a eu (c’est le genre de détails que j’omets volontairement… ma façon bien à moi de jouer à la victime!) tous ces commentaires si positifs au sujet de mon manuscrit.

Je ne l’ai pas dit, mais en vérité, j’ai été très chanceuse. Grâce à mes relations dans le monde de l’édition, j’ai eu le privilège de parler à plusieurs éditeurs qui m’ont expliqué les raisons pour lesquelles ils ne pouvaient publier mon manuscrit dans sa version actuelle. Ils ont tous souligné la qualité de l’écriture, m’ont fortement encouragée à me remettre au travail, et à leur envoyer ma prochaine version. Ce que je n’ai pas fait…

Dieu sait à quel point j’ai essayé! Mais le cœur n’y était plus. J’avais besoin de prendre du recul pour faire le deuil du livre dont j’avais tant rêvé…

***

Je me rappelle très précisément cet après-midi d’octobre 2015 passé à l’hôpital avec Mélissa. Elle était très affaiblie par les traitements de chimiothérapie qu’elle subissait depuis plusieurs mois déjà. Entre nous deux, tout était confortable, même le silence. Nous avions une connexion de cœur à cœur. Je ne saurais dire comment elle s’était établie, mais encore aujourd’hui, je la ressens, par-delà sa mort.

Depuis plusieurs semaines, une question me brûlait les lèvres et à ce moment-là, j’ai osé demander :

– Mélissa, qu’est-ce que tu écris dans ton cahier?

– Ah! Ça? C’est pas grand chose!

– … J’ai haussé les sourcils sans rien dire.

– … C’est mon défoulatoir! Y’a toute là-dedans : mes peurs, mes angoisses, ma rage, mon désespoir. Ma quête de sens. Mon désir de vivre. Mon amour pour ma fille. J’veux pas mourir, Judith.

– Je l’sais, Mel!

J’ai laissé le silence occuper tout l’espace pendant de longues minutes, puis j’ai lancé :

– Quand tu seras pus là, je pourrais lire ton cahier? Et peut-être en faire quelque chose…

– Oui… si tu veux…

***

Après avoir lu le journal intime de Mélissa, j’ai pensé que je pourrais écrire notre histoire, en faire un récit à deux voix, dans lequel j’expliquerais ma traversée : ce passage d’un monde où j’étais entièrement dominée par la peur à un univers d’expériences dans lequel je mords à pleines dents.

Or, mon manuscrit se résumait à l’accompagnement de Mélissa dans la maladie. Je ne parlais ni de mon trouble d’anxiété ni de ma peur de vivre ni de mon mal-être. Après les refus, j’ai laissé passer quelques mois, puis j’ai demandé à quelques lectrices assidues de mon blogue de lire le texte et de le commenter.

En gros, voici ce qu’elles m’ont dit : « C’est touchant, mais il manque de toi. On comprend que Mélissa ait eu une importance capitale dans ton parcours, mais pour nous, c’est toi le personnage principal. On veut comprendre pourquoi la mort de Mélissa t’a radicalement transformée. Qui étais-tu avant? Que deviens-tu après? Pourquoi choisis-tu de partager ta vulnérabilité, tes angoisses, tes apprentissages? Bref, raconte-toi. »

Hum… Ce n’était pas tout à fait les commentaires auxquels je m’attendais. J’étais perplexe. J’ai laissé passer l’été, puis j’ai à nouveau tenté de me replonger dans l’histoire. En vain.

J’ai dû me rendre à l’évidence. Ce livre, dont plusieurs passages étaient directement tirés du journal intime de Mélissa, ne serait jamais partagé aux lecteurs. Je l’avais écrit pour moi-même, pour comprendre ce que j’avais vécu à travers cette expérience si intense de la maladie et de la mort.

Je mesure aujourd’hui la confiance que Mélissa m’a accordée en me permettant de lire son journal intime. En me plongeant dans ses profondeurs, je me suis imprégnée de sa souffrance et j’ai compris sa réalité. J’ai la conviction profonde que c’est ce qui me permet aujourd’hui d’accompagner des personnes en fin de vie, en faisant preuve d’humilité et d’humanité.

Quant à mon premier livre, je ne sais pas encore de quoi il sera fait, mais le temps viendra où je saurai. Alors je l’écrirai…

2 pensées sur “Ce livre dont j’ai tant rêvé…”

  1. France Cinq-Mars dit :

    Je me reconnais en toi !
    Juste d’avoir essayé c’est déjà merveilleux et je suis certaine qu’un jour tu vas publier !
    Bonne chance!
    Je vais surement te lire…..

    1. Judith Proulx dit :

      Merci du fond du coeur, France! Les mots d’encouragement des lecteurs/lectrices de ce blogue m’ont réellement permis de prendre confiance en moi et de vivre pleinement ma vie, à chaque instant. Je vous souhaite de profiter de votre vie à plein régime! xx

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